Il
y a trois semaines, un dimanche matin, sur un marché aux puces
proche d'une caserne remplie de réfugiés. Un brocanteur, à voix
très haute, se gausse d'un réfugié qui lui demandait un prix,
prend les gens à témoins, «Qu'est-ce qu'ils croient ? Qu'on
va brader pour eux alors qu'ils nous volent? Je ne suis pas
raciste, mais moi, je te les mettrais dehors à la Kalachnikov».
Kalachnikov, je vous le jure…
A
voix tout aussi haute, j'ai dit aux gens « N'écoutez pas ce
délire, c'est scandaleux ». Un couple m'a approuvé, on s'est
éloignés. Et le brocanteur de me crier de loin « Toi, va
donner ta boucle d'oreille aux petits riens ». On en riait
encore à l'apéro.
Ce
dimanche 15 novembre, dans une bourse aux vêtements. Trois dames de
50-60 ans conversent devant un étal. « Il y a des réfugiés qui
crachent sur les gens ». « Ils peuvent déjà être
contents d'être ici ». « Et vous allez voir, y en a
parmi eux qui sont djihadistes ». Elles ne me parlaient pas, et
pourtant, je leur ai dit à haute voix : « C'est honteux,
ce que vous racontez ». Une des trois dames m'a regardé comme
une gosse prise sur le fait, et s'est éloignée des deux autres. Qui
ont continué leur conversation sans même se retourner. Ce jour-là,
bien sûr, on n'en a pas rigolé à l'apéro. Mais comme trois
semaines auparavant, j'ai éprouvé un minuscule, mais agréable
sentiment d'autosatisfaction.
La
xénophobie ordinaire, la crédulité ordinaire, la bêtise
ordinaire. Peut-être que ça ne changera pas beaucoup le monde de
réagir à chaque fois qu'on les rencontre. Mais ça rend fier de
soi. A peu de frais finalement...